Texte pour le catalogue du 61eme salon de Montrouge.

 

Hugo Livet ne lit pas de SF. On s’en étonnerait presque, mais les amorces de fictions qu’esquissent ses œuvres sont trop ouvertes pour s’en inspirer : ça respire et ça évolue selon ses propres lois. Hugo Livet ne lit pas de SF, il la met poétiquement en pratique. Peut-être parce qu’il souhaite « rendre aux choses ce qu’elles auraient perdu ». Ou ce qu’elles auraient pu être. Il peut, ainsi, distribuer des modélisations d’une molécule de sérotonine (la transposition sculpturale associée au geste du don augmente-t- elle l’effet placébo ?) ou réaliser un pied de biche en résine transparente (dont le manche biseauté retrouve enfin son caractère cristallin). Et faire montre d’un sentimentalisme diffus.

Il peut, également, assaillir l’imprenable église de Saint-Flour d’un parcours sportif incongru (inversant avec humour le cours de l’histoire) ou mouler en argent un cauri, cette variété de coquillage qui fut utilisée en tant que monnaie d’échange dans le Pacifique et dans certains pays d’Afrique. Et relire discrètement récits et représentations du monde. Discrètement. L’air de ne pas y toucher.

Car les objets, dessins et installations d’Hugo Livet requièrent l’attention : du corps, du regard, mais aussi de l’esprit. Ses calambours visuels ne visent pas seulement le sourire amusé ; ils ménagent un trouble interprétatif durable. A l’extrême finesse du trait de ses zooms dans la matière fractale répondent d’improbables sculptures coulées à la main, strate par strate, comme avec une imprimante 3D. Où le processus de réalisation adopte celui de croissance et de structuration du vivant. Mais ces allers-retours entre micro et macro, nature et artifice, inversent constamment les effets (au propre et au figuré, tels ses Polypores empreints et retournés). Comme s’il s’agissait de pousser à bout nos interprétations des événements, qu’ils soient historiques ou scientifiques. Vous voyez l’univers comme une cosmogonie parfaite ? La géométrie des nuages retouchés de la série photographique Observations vous donne raison : mais ce n’est certainement pas ce que vous aviez prévu.

 

Marie Cantos, Avril 2016